Voici un petit reportage de 1963 de la TV Française sur la Capoeira Angola.
La Capoeira est un art martial brésilien. Comme pour beaucoup d'art de ce type, elle est née d'un mouvement de résistance à une oppression.
En l'occurrence, elle est issue de la communauté des esclaves originaires d'Afrique
(principalement d'Angola, de Guinée et de la "Côte sous le vent") déportés au Brésil à partir du XVIème siècle.
Les opinions divergent sur l'histoire et les origines de la Capoeira, ainsi que sur les racines de la population Noire du Brésil.
Deux ans après l'abolition de l'esclavage en 1888, la plupart des documents furent brûlés par le ministre Ruy Barbosa
qui crût ainsi pouvoir effacer "une tache noire dans l'histoire du pays".
Les sources d'étude sur les origines des anciens esclaves et même le nombre exact d'Africains amenés au Brésil sont donc perdues.
Néanmoins, on estime généralement que les premiers, et surtout, les plus nombreux Africains arrivés au Brésil furent ceux des régions proches de l'Angola.
Quoiqu'il en soit, cette population esclave a toujours cherché à reconquérir sa liberté.
Elle ne pouvait le faire directement, ni ouvertement ; mais de cette volonté est née la Capoeira.
Avant même d'être un art de défense utilisant les ressources du corps, elle est un art du souvenir,
de la lutte contre l'oubli d'une identité niée ou méprisée.
La Capoeira est aussi connue sous le nom de "brincadeira de Angola" qui signifie amusement d'Angola.
Qu'elle vienne d'Afrique ou qu'elle soit une création des esclaves africains installés au Brésil, de nombreux mouvements du jeu évoquent les danses ancestrales africaine,
par exemple, la danse du N'golo. La Capoeira a rassemblé autour d'un art de combat tout ce qu'elle pouvait de souvenirs du continent d'origine.
Ces éléments se retrouvent dans la Capoeira actuelle : la Roda (ronde) symbolise la communauté, où se trouvent les musiciens, tous les autres participants formant le chœur des chanteurs et au centre deux partenaires qui ne luttent pas mais jouent.
Malgré l'abolition de l'esclavage, la Capoeira fut longtemps interdite en raison des revendications sociales qu'elle représentait et transmettait. Ce n'est qu'après les révolutions des années 1930 que Manoel dos Reis Machado, Maître Bimba, obtint l'autorisation d'ouvrir à Salvador la première Académie de Capoeira, sous le nom d'Association de Lutte Régionale de Bahia.
Maître Bimba créa là un style particulier intégrant, dans un but d'efficacité martiale, quelques coups issus du Batuque (jeu de lutte) et d'autres divertissements populaires brésiliens, ainsi que des mouvements d'arts martiaux étrangers (savate, judo, jiu-jitsu, …).
Il abandonne une partie de l'héritage traditionnel qui, selon lui, convenait à des esclaves mais non à des hommes libres. Le style issu de son enseignement est appelé Capoeira Régionale.
Peu de temps après, Vicente Ferreira Pastinha, Maître Pastinha, ouvrit son Académie revendiquant une Capoeira "pour l'homme, la femme et l'enfant" et cherchant à maintenir les valeurs de dissimulation et de ruse de la tradition. Il développa avec ses disciples le style nommé Capoeira Angola en hommage, dit-on, aux fondateurs de la Capoeira originelle.
Dans ce courant, le jeu fait appel à la malice, à l'espièglerie et à la finesse.
C'est ce style, appris avec maître Pastinha lui-même, qu'enseigne le maître Curiò et que l'association Jogo de Mayanga tente de développer.
Dans cette perspective, la Capoeira redevient un art, de vivre encore plus que de combat, et non plus un sport : pas de compétition ni de passage de ceintures. De plus, le but de la rencontre au centre de la Roda est d'arriver à un maximum de fluidité dans le jeu des attaques et des esquives en parfaite harmonie. On arrive alors à une transposition de la violence sur un plan esthétique. On n'a plus en face de soi un adversaire à vaincre, mais un partenaire à l'écoute duquel il faut se mettre pour lui donner la réplique adéquate.
C'est cet ensemble de valeurs (respect réciproque, appropriation et transposition d'éléments culturels touchant aux racines, identité communautaire, volonté de résistance non violente, discipline et persévérance dans l'apprentissage, improvisation et expression personnelle, …) présent dans la Roda et au centre du cercle, qui font de la Capoeira Angola un outil socio-éducatif de valeur aux yeux de l'association Jogo de Mayanga.